Vendredi 20 novembre 2020 : manque un bateau !
Echelle des crues du pont du Veurdre : - 0,47 m.
Hier soir 19 novembre, Nelly en vigie batelière de permanence, communique l'information suivante : il manque un futreau au train chavan ! C'est La Gabrielle...
Evidemment, c'est la consternation car il est notre initial et plus ancien futreau. Il représente nos apprentissages et tant de beaux voyages. En ces jours courts de lumière, il nous faut remettre à demain sa recherche.
Malgré un confinement respecté, il est des cas de force majeure, car ces bateaux traditionnels sont un patrimoine associatif et bien au-delà.
Au gré d'un franc soleil d'hiver, nous nous embarquons, motivés, même s'il semble aux premières constatations à la lumière du jour que la commande a été coupée à l'aide d'un mauvais couteau.
Le bas niveau de la rivière ne permet pas de la remonter, donc notre bateau n'a pu que partir vers l'aval. Sans impulsion aucune, nous laissons notre nacelle voguer aux sons seuls de la nature. Chacun scrute les rives et embâcles, privilégiant le talweg (le courant principal) qui porte et conduit tout objet flottant. Mais, s'il n'est pas aisé voir impossible de remonter cette rivière aujourd'hui, cette incertitude est la même pour notre voyage de recherche... Pourrons-nous ramener notre bateau au pied d'Embraud, rue de la Chaîne ?
Voilà plus d'une heure que nous avalons et le doute de trouver et de revenir ne fait que s'accroître. Derrière nous, Ponsut, Mauboux, Bouy et ses dalles au vert intense et traîtresses en fond de rivière, que notre bateau râcle par instant. Nous devinons maintenant le triste pont de Mornay et toujours pas de Gabrielle ! Manu fait part d'une courbe aigue des flots prochaine qu'aucun bateau ne peut franchir seul ou mal accompagné. Le jour déclinant rapidement, il est décidé que ce serait le point limite de notre recherche.
Une fois encore Cécile semble l'apercevoir, c'est vrai que la silhouette est troublante mais non. Alors l'équipage déçu se décide pour la remonte qui sera lente et difficile. Les lumières de cette fin de journée sont sublimes et nous tentons de nous en suffire. A la vue de l'île du Ponsut, le pilote se rassure un peu de se retrouver en des encâblures plus communément empruntées, pour le chemin d'eau à choisir et pour la nourrice maintenant remplie de vide. Le bras de "mar", totalement ignoré à la descente, apparaît comme dans un lent traveling de cinéma... Puis, le profil de la fine silhouette de La Gabrielle gentiment posée sur un banc de graviers, comme si son charpentier Guy Brémard venait de terminer son ouvrage il y a 26 ans !
Ce contournement de l'île n'est pas le passage du courant majeur, néanmoins nous l'aimons beaucoup pour son allure sauvage. De vieux chênes encombrent son lit et lui confèrent cet aspect inquiétant. Il était impossible d'imaginer que notre futreau, à gré d'eau, ferait choix de cette route et encore moins de l'imaginer traverser sans bris toutes ces barrières de bois. Pourtant il est là sans même une blessure. Ce n'est pas la peine que nous insistions sur le fait que nos bateaux ont une âme. Celle de la Gabrielle est bien perceptible par cette volonté d'autonomie...
Après quelques minutes d'accordage entre Manu et Philippe sur la conduite à tenir pour que ce futreau retrouve son élément et de confirmer l'usure du cordage et non le vol, le voici maintenant à la remorque de Pénélope pour son retour vers la famille des bateaux chavans. Comme à l'accoutumée d'une mission incertaine et maintenant accomplie, un sifflet puissant retentit depuis la rivière vers Embraud, même si les murs sont une fois encore vides et sans musique.
Bientôt, les musettes résonneront à nouveau et les filles danseront...
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