Brassac / Château 2011
Voilà quinze mois que s’est achevée l’aventure d’Orléans et la soif de parfaire notre connaissance de la voie fluviale des commerces anciens ne s’est pas affaiblie. Dans les têtes des bateliers chavans, un nouveau voyage sur la rivière Allier se préfigure. Pourquoi ne pas projeter le départ de nos fûtreaux, 200 kms à l’amont, et que Embraud, notre quai d’attache, devienne l’ultime étape de ce voyage ?
BRASSAC / CHÂTEAU sera l’aventure 2011, 220 kms d’un parcours qui verra nos bateaux « baisser » des gorges du Haut-Allier jusqu’aux prairies de la vallée, pour une arrivée idéale le jour de l’Ascension et de la Fête de la Rivière, le 2 juin.
Pour ce voyage, les fûtreaux retenus sont Hors du Temps (11 mètres) et Tresse-Allier (9 mètres), exit La Gabrielle au tirant d’eau conséquent, défaut rédhibitoire pour la portion Haut-Allier. En effet, presque 90 kms sinueux et tourmentés nous obligeront à franchir les fameuses « raies », comme les anciennes gens des hautes paroisses nommaient les rapides. La conduite et les manoeuvres seront assurées au moyen des avirons et bâtons ferrés, dans la configuration qui a fait ses preuves pour le voyage d’Orléans.
Voici énumérés en gras, de façon exhaustive, les anciens ports qui rythmaient au XVIIème et XVIIIème siècles, cette grande avalée et pour chacun, le principal fret qui attendaient sur les quais ou talus.
1. Brassac (rive gauche) : On y chargeait du vin, des blés et les pommes d’Auvergne, des fromages du Cantal, des toiles, des papiers fabriqués dans les foulons de Thiers et d’Ambert. A partir de 1664, la houille.
2. Jumeaux (rive droite) : Situé face à Brassac et réputé pour ses chantiers de construction de sapines ou auvergnates, bateaux de charge emblématiques de la rivière Allier (en 1787, les charpentiers de marine en construisent 2.000).
3. Nonette (rive droite) : Etonnant pointement volcanique qui portait forteresse. Il y existait un péage dès le XIIIème siècle. Exportation de vin, huile et chanvres.
4. Parentignat (confluence de l’Eau Mère - rive droite) : des billes de sapins pour les mâts de la Royale, du papier, des céréales, des fromages assuraient annuellement le chargement de deux à trois cents bateaux. Le 13 mars 1825, il y eu trente bateaux chargés de glace à destination des plus prestigieux cafés parisiens.
5. Issoire (port du Perthus - rive gauche) : Vin, fruits, grains, farine, terre, bois.
6. Saint-Yvoine (rive gauche) : magnifique village perché au sommet d’un impressionnant horst basaltique qui surplombe la rivière.
7. Coudes (rive gauche) : Exportation des bois de Besse-en-Chandesse et des blocs de grès d’arkose des carrières de Montpeyroux.
8. Corent (rive gauche).
9. Longues (rive droite) : Vague puissante à l’aval du pont.
10. Sainte-Marguerite (rive droite).
11. Les Martres-de-Veyre (rive gauche) : Des céramiques depuis la plus ancienne époque partaient de ce port (des archéologues anglais en ont reconnu en Angleterre), vins, fruits.
12. Cournon (rive gauche) : Vins et charbon de terre.
13. Dallet (rive droite) : Une auberge réputée pour la marine et portant ancre en façade y demeurait. En 1840, 46 bateaux y sont affrétés pour le transport des vins de Dallet très appréciés.
14. Pont-du-Château (rive gauche) : En 1765, Monsieur de Ballainvilliers, intendant d’Auvergne, signalait que « de Brassac à Pont-du-Château il y a des rochers dans le milieu du courant qui forment des écueils que les mariniers fréquentant la rivière de l’Allier sont seuls capables d’éviter, par la connaissance qu’ils ont de tous les endroits dangereux ». A la fin du XVIIIème siècle, l’activité des ports de Pont-du-Château devient intense avec l’apport des produits des foires de Beaucaire dans le Gard et des denrées exotiques débarquées à Marseille et transportées jusqu’ici par les convois de muletiers. On sait que les bateaux de la gabelle remontaient à ce plus haut point de la rivière le sel de l’océan.
15. le tumulteux seuil des Madeleines : rapides.
16. Les Martres-d’Artière (rive gauche).
17. Joze (rive gauche) : Exportations de grains. En raison d’absence de chemin par la présence de marais, bac très ancien attesté par l’appellation sous l’Ancien Régime de nef de Joze.
18. Maringues / Luzillat (ports de Pont Picot et de Vialle - rive gauche) : Embarquement des produits des foires de Beaucaire avant le déplacement du lit de la rivière. Maringues possédait également une foire très importante expliquée en partie par le fait que l’Allier devenait à partir de ce lieu navigable toute l’année (en principe). Exportation des fers et des cuirs pour les armées, des grains de la basse Limagne, des produits de tannerie, le chanvre pour la Marine Royale. En janvier 1721, un inventaire des balles disposées à même les berges énumère les marchandises suivantes : des bouteilles de ratafia, de thym, de sirop capillaire, d’eau de Hongrie, d’eaux minérales, d’eau de fleurs d’oranges, de liqueurs de Montpellier, de fromages de Roquefort, de dentelle, de raisins muscats à l’eau de vie, d’esprit de vin, d’épices, de raisins secs de Gignac, de barils d’olives, de draps blancs de Lodève, de coton filet, de caisses d’anchois, de figues de Ceyssac, de cristal de Tarbes. En 1736, un coche régulier pourvu d’une cabane est créé pour desservir les ports de Briare, Gien, Orléans. Départ tous les mardis.
19. Limons (port de Ris - confluence de la Dore - rive gauche) : Ancien péage. Expédition de marrons. Le tirant d’eau en ce lieu permettait de doubler la charge des bateaux avalants et des trains de bois. Débarquement d’une partie des grains en provenance de Maringues pour transport par roulage vers Thiers et Lyon.
20. Mariol / Saint-Yorre (rive droite) : Premiers ports du Bourbonnais. Exportation de plateaux de noyers, de bois de charpente, de fruits, de poterie et d’eaux minérales.
21. Vichy (rive droite) : exportations identique à celles de Mariol et Saint-Yorre. Vers 1865, est construit un barrage « ayant pour objet le relèvement du niveau de la rivière de manière à prévenir le dégagement des effluves insalubres qui résultent de l’insolation des grèves et à procurer aux baigneurs les agréments nautiques ». Parallèlement une pélière très dangereuse pour la navigation fut aménagée.
22. Creuzier-le-Vieux (rive droite) : Exportation de haricots, de vins, fruits et plateaux de noyers.
23. Saint-Germain-des-Fossés (rive droite) : Exportation de fruits. Halte des chalands pour la nuit dans une auberge réputée portant l’enseigne de Saint Nicolas.
24. Billy (port de Framboisy - rive droite) : Plateaux de noyer et fruits.
25. Varennes-sur-Allier (port de Chazeuil - rive droite) : Bois de marine, merrains, planches de charpente, plateaux de noyers, vins, blés, haricots. Ateliers de construction de bateaux en chêne.
26. Monétay-sur-Allier (port de la Chaize - confluence de la Sioule – rive gauche) : Auberge de marine réputée. Exportation des vins de Saint-Pourçain dès le XIIIème siècle puis la houille des mines du Montet à partir de 1837.
27. La Ferté-Hauterive (rive droite) : Bois de sciage et bois blanc.
28. Châtel-de-Neuvre (rive gauche) : Le plus grand port d’exportation des vins de la province au XVIIIème. La crue de 1790 emporta 450 pièces de vin déposées sur la rive, elles ne purent être arrêtées qu’à Moulins.
29. Bessay-sur-Allier (rive droite) : Charbon de bois, merrains, bois de charpente et à brûler.
30. Chemilly (rive gauche).
31. Toulon-sur-Allier (rive droite).
32. Moulins (rive droite) : Nicolas de Nicolay note que « ce port est le plus considérable de cette rivière et qu’il y a un grand apport à cause des marchandises qui arrivent d’Auvergne et autres endroits ». L’équipement de ces installations de marine, en 1429, permit à Jeanne d’Arc d’y faire embarquer son charroi de guerre sur des bateaux réquisitionnés à Perrin Blanc, Seigneur du Veurdre. Plus tard, à la fin du XVIIème, exportation de la houille des mines de Noyant. Dès 1642, via le canal de Briare, on exporte des quantités considérables de charbon de bois, de bois de chauffage et de vins des alentours vers la capitale. En 1696, Moulins compte plusieurs marchands de bois parmi les commerçants les plus importants et influents de la ville, 22 entrepreneurs de marine, 276 mariniers et compagnons bateliers, 8 voituriers par eau de réputation, des charpentiers en bateaux. Exportation de merrains, et bois de construction. 1784 marque le plein essor de l’exportation des houilles de Noyant avec 185 sapinières chargées. En 1853, la nature des matériaux en attente sur les quais des trois ports de Moulins est décrite comme suit : en rive droite en amont du pont (port du Chambonnet) : houille, charbon de bois, charniers (échalas), bascules à poissons, voliges, merrains, charpente, farine, sel, paille, foin, poterie, fruits, vins, plusieurs chantiers à bateaux en chêne pour la Basse-Loire. En rive gauche en amont du pont (port de la Brasserie) : charpente de marine, merrains, pierres de Volvic. En rive gauche en aval du pont (port de la Charbonnerie) : charpente de marine, voliges, merrains, traverses de chemin de fer, houille, charbon de bois, bouteilles, chantiers pour la fabrication des trains de bois, des bateaux-lavoirs, de bateaux en chêne de toutes dimensions. 100 % des chargements de ce port ont Paris ou la Basse-Loire comme destinations. En 1841 et pendant seulement 10 ans, la capitale du Bourbonnais sera la tête de ligne de la navigation à vapeur avec les fameux inexplosibles.
33. Montilly (Les Herats - rive gauche) : charpente, merrains, bois à brûler.
34. Villeneuve-sur-Allier (La Malinotte - rive droite) : Charpente de marine et merrains.
35. Bagneux (rive gauche) : Charpente de marine et merrains.
36. Aubigny (Les Roches - rive gauche) : Charpente de marine et merrains.
37. Saint-Léo (Port Barreau – rive gauche) : Charpente de marine, merrains, charniers et bois à brûler.
38. Le Veurdre (rive gauche) : 2ème port du Bourbonnais. Il y est fait mention dès 1097 d’un commerce fluvial. En 1300, d’un important entrepôt de sel. Au cours d’un hiver du XVIIIème siècle, l’intense trafic nous est révélé par l’emprisonnement dans les glaces de plus de cent bateaux devant la ville. En 1751, une sécheresse exceptionnelle voit 40 chalands en cours de chargement immobilisés. A cette époque, l’accroissement du trafic amena le port à se dédoubler. Les vins (de Riousse) et les céréales (blé, seigle, avoine) demeurent au Veurdre tandis que les bois et fers des forêts de Tronçais, Champroux et Saint-Augustin sont disposés à la confluence de la Bieudre. A la remonte, les denrées des colonies et les poissons salés en provenance de Nantes. Depuis la plus ancienne époque, le Veurdre possède des chantiers à bateaux en chêne forts réputés.
39. Château-sur-Allier (Fin de notre voyage - rive gauche) : Exportation de bois de charpente pour la marine, de merrains, de charniers, de planches, de charbons de bois, de fers des forges environnantes.
Pour la batellerie des gars de Château,
manu Paris (mars 2011)
www.lachavannee.com hors-du-temps.over-blog.com
Sources : Ancienne batellerie de l’Allier et de la Dore – Pierre Mondanel -1975)
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