Le jour se lève sur la vallée de l'Allier, l'équipage des Chavans est déjà à l'oeuvre. Gros Fred, Freu, David, Jean-Baptiste, Grand Fred, Gilles et Manu assurent les derniers détails de cette "matinée batellerie" qui s'annonce de grand niveau d'un point de vue des couleurs.
Les futreaux, montés la veille au soir à l'extrémité de l'île du Veurdre, sont équipés de leurs "outiaux" propres à les conduire en rivière : bâtons ferrés, gaffes, ancres et coffres sont le lot de chaque nacelle. Sur la rive opposée, un sanglier solitaire se met à l'eau dans la brume. Son salut, les bois du Bourbonnais...
20 stagiaires sont inscrits pour cette matinée hors du temps.
face au levant, un ruban de brume (m paris)
Ci-dessous quelques images de Frédéric Berthet, Patricia et Charles Bouffard qui relatent ce cheminement batelier radieux, entre Bec de Bieudre et les îles d'Embraud.
sur la grève, les traces se croisent, du gravelot au courlis, même quelques brocards et sangliers...
11 heures, à cheval entre la région Bourgogne et la région Auvergne, il est l'heure d'une petite restauration !
les histoires de rivière fusent, ici la description du petit coffre du marinier appelé la cassette
Blanc de Riousse et salaisons à volonté
et une chanson de garçons-bateliers pour bien clore ce partage matinal
à midi pétante, par une échelle de bois, le groupe quitte le lit mineur de l'Allier pour les verts talus du bocage
Samedi et dimanche prochains, c'est le stage annuel d'Embraud et la découverte des arts et traditions populaires sous toutes ses formes, musique, chant à danser, le "manger", les contes, la recherche dans les archives et l'histoire de la batellerie au Veurdre et à Château. Gros Fred, Do et Manu partent pour un petit tour d'île, entre le bec de Bieudre et la rue de la Chaîne. De nos mémoires, sans dire que cela n'est jamais survenu, nous nous rappelons point d'un niveau de rivière aussi bas en cette période de l'année. Il est vrai que le talweg (le courant principal) a quitté les talus d'Embraud et n'arrange en rien notre entrée en grande rivière. Probablement le 13 mètres cabané restera sur ancre. Le scénario B devrait être l'utilisation de trois futreaux en ponctuation d'une marche matinale entre pacages et "verdiaux", au pays des castors... Nous partagerons cette histoire de marine dans l'action et le déplacement.
Ci-dessous quelques photos de notre ami Dominique Robert embarqué dans cette reconnaissance de lieux et d'appontements.
Manu vérifie que les eaux portent clair jusqu'à l'appontement final lorsque la levée de proue "lèche" le talus
Gros Fred scrute une rivière trop calme à notre goût mais attention ! Les "écueils en rivière" dorment tapis sur les fonds...
Au bec de Bieudre : franchissement d'un "rio" au bâton
On s'arrache du "cul du grève" !
Route à galarne car le fond remonte sévère à mar !
Débarquement en pointe d'île pour une belle fin de cheminement
Embraud, domaine des Chavans, lieu de musique et de fêtes idéalement ancré au plus près de la rivière. Entre la lucarne de la pièce qui voit naître les disques et le vert gaillard des chênes, il y a une autre fenêtre, elle est remplie de la couleur du ciel et une voile blanche y passera sûrement, doucement, à la remonte. Pour cela, il faut le vouloir fort, ne pas avoir peur du souffle qui vient du nord et se souvenir promptement du geste, car la rivière n'est ni patiente, ni cynique, elle court à l'océan.
Depuis quelques temps, Freu travaille sur son futreau dont la devise est Fût d'Trop et qui depuis peu fuit de trop. A l'abri du chantier à bateaux, un bordé barbord de "coue" vient d'être remplacé. Ce bateau a eu 20 ans cette année. Il a été mis à l'eau lors d'une fête honorant la rivière Allier à Moulins le 18 mai 1997. Une durée de vie plus qu'honorable, lorsque l'on lit qu'au XVIIIème le bac de Pont-du-Château est déclaré vétuste avec ses 5 années !
Levée de coue
Ci-dessous, une photo prise du haut du pont du Veurdre le 19 mai 1997, à l'arrivée de son premier voyage en rivière, sur le détroit Moulins / Le Veurdre. Le Fût d'Trop est escorté par le Tresse-Allier et La Gabrielle. On peut voir que le plancher n'a pas encore été réalisé, de même pour les ponts de "nez" et de "coue" et que son fond est mouillé par quelques entrées d'eau qui témoignent d'un bateau neuf.
Ce jour, Joël Herbach, Président de l'association Allier Sauvage et grand coureur de grèves, nous alerte une nouvelle fois de la découverte d'éléments d'un grand chaland d'Allier. Miraculeusement épargnés par les barbecues de l'été, ils patientaient entre grève et talus. La section de planche utilisée est toujours étonnante, d'une solidité et d'un poids qui saisissent ! L'emplacement des chevilles est très net. C'est un petit morceau de l'histoire de la batellerie que nous rapportons sur nos épaules, à destination du musée consacré du Veurdre.
Joël Herbach montre la duplication parfaite des emplacements de chevilles
Afin de préparer la saison de navigation qui débute habituellement après le stage d'Embraud en octobre, il convient de nettoyer les dessous du plancher du Lion et débarrasser feuilles et glands entassés entre courbes et râbles. Un travail à priori fastidieux mais ce matin sur la rivière, c'est le renouveau du monde.
Depuis peu, Gilles est devenu autonome avec le futreau Tresse-Allier dont il a la responsabilité. Il conduit encore sa nacelle avec un peu trop de force (et il en a !) mais elle va où il décide. Profitant d'eaux encore limpides, il enchaîne bacs et remontes avec grande motivation...
Un dimanche après-midi sur l'eau. Le sonneur Philippe Prieur, aujourd'hui Chavan à plus d'un titre, ne se fait pas prier pour embarquer. Au fil du courant se dessine au loin la belle image d'un batelier qui conduit une jeune femme : c'est Gilles, hier très motivé rappelez-vous !
Après avoir croisé ce bel équipage, nous continuons vers une île de notre connaissance, une nouvelle occasion de mémoriser les fonds de ce détroit qui bientôt par d'autres niveaux disparaîtront à nos yeux.
Comme prévu la veille, Frédéric conduit une visite de la Maison de la Batellerie au Veurdre pour nos amis Patrick et Pierre. Tous les deux possèdent une grande connaissance de l'histoire de leur batellerie respective. Le premier navigue sur la rivière Ill, affluent du Rhin et Pierre dont la famille maternelle est originaire d'Alsace navigue aujourd'hui sur la Saône.
Frédéric, Patrick et Pierre
A midi, au bord de l'Allier, ils retrouvent Manu et chacun évoque ses contingences de navigation. On apprend par exemple, qu'il n'est pas possible de tenir un bateau sur ancre en Saône car le fond composé de galets roule en permanence et emporte tout ! Un système ingénieux de pieu et palan avait été imaginé au centre du bateau, il s'abaissait à volonté pour s'enficher au profond du fleuve.
Manu et Patrick Unterstock (photo frédéric paris)
Tous les deux sont enchantés par cette vallée, qu'ils trouvent plus large "en vrai" qu'à travers les photos de ce blog et notent la transparence des eaux. Manu, à l'aide de son bâton démontre comment s'affranchir du haut talus pour descendre en grève et de bateau en bateau rejoindre la rive opposée.
Patrick et Pierre Ydef devant les bateaux bourbonnais
Demain mercredi débute la 8ème édition du Festival de Loire, le duo batelier d'Ill et Saône s'en va rejoindre le quai du Châtelet pour des manoeuvres de navigation bien réelles, sans "la poignée dans le coin". Vous les verrez remonter la Loire à force de bâton, faire des bacs et de magnifiques lancers d'épervier et vous pourrez imaginer le silence de l'action...
Ce soir, nous recevons la fine fleur de la batellerie alsacienne, précisément Patrick Unterstock, batelier du Ried et son compagnon Pierre Ydef. Deux solides et bons "gars" rencontrés lors de nos dernières participations aux grandes fêtes de Loire d'Orléans. Comme nous, ils ont à coeur de manoeuvrer leur "weidling" à l'ancienne, bâton ferré en main, dont la pointe diffère en forme des nôtres.
L'occasion d'évoquer nos courses lors de ces rassemblements. Patrick reste imbattable dans la discipline, mais tous les deux ont en mémoire la puissance du bourbonnais chavan Jean-Baptiste dit Va-d'Bon-Coeur la Charpente !
Le crochet-étape qu'ils viennent d'effectuer en nos terres, sur la route d'Orléans, n'a rien de raisonnable, c'est vrai, mais il prouve l'affection et la considération que nous nous portons, chacun en nos territoires.
Nicole, Andrée et Cécile ont préparé la meilleure cuisine locale pour accueillir nos hôtes. Arrivés à la nuit bien avancée, Frédéric propose à demain la visite d'Embraud et de la Maison de la Batellerie. Ils iront bien sûr, rue de la Chaîne, voir nos futreaux in situ.
Depuis que la rivière Bieudre rencontre la rivière Allier au creux du mamelon-colline, bien avant qu'il soit nommé Château-sur-Allier, le lieu invite à établir campement au moindre ou belle maison en dessein. De là, les hautes eaux sombres de saison, de Dore et d'Auvergne peuvent bien ronfler, nous sommes en pays Chavan...
Le retour des bateaux aux yeux du promeneur
Il n'avait pas disparu, ni coulé à fond ! A l'occasion de ces nouvelles Journées du Patrimoine, le train de bateaux est ré-assemblé et s'aligne maintenant devant les terres de Braud sur sa plus solide ancre. Le Lion d'Or en tête, à l'attente d'eaux marchandes.
Avec septembre et l'appui d'un très léger afflot d'orage survenu sur la Dore, nous voici à pied d'oeuvre pour visiter nos bateaux et prendre quelques décisions d'entretien de nos plus anciens tel Hors du Temps. Sa sortie prochaine de la rivière est maintenant nécessaire. Pendant ces longs mois de chaleur pour le moins excessive, les eaux ne portait plus bateau et il était tenu de rester "en fosse" ombragée pour plus grand voyage !
photo claire stach
A la force de trois bâtons ferrés, il quitte les frondaisons des chênes de bordure pour rejoindre un peu à l'amont l'aplomb de la rue de la Chaîne. C'est la manoeuvre maintenant réglée de démâtage.
photos manu paris
Une très belle arrière saison semble s'imposer, exit la canicule, on l'espère ! Cet après-midi, notre toue de 8 mètres est affrétée à la reconnaissance des passages inter-îles. Patrick revient de la grande mer et nous relate son cabotage entre l'estuaire de la Charente et l'île d'Aix, Jean-Baptiste l'écoute avec envie et l'intrépide Nina s'en moque encore assurant son rôle de starlette du Val d'Allier.