Ce matin de grosses gouttes bruyantes tombent sur le Val Bourbonnais et augurent que les eaux marchandes reviendront enfin ! La visite hebdomadaire des bateaux commence par une mise à sec.
L'envie de naviguer, de voir un peu loin que l'échelle de la rue de la Chaîne nous convainc d'embarquer sur la toue Pénélope et de tester son vieux moteur fatigué...
photos nelly perret et dylan méténier
... Fatigué et incertain ! Le vieux moteur s'arrête sous la pluie qui redouble, bien à l'aval du port d'Embraud... Pas le temps de réfléchir, les gaffes embarquées feront le rôle de bâtons ferrés. Très vite, les nuées de sud-ouest (de soularne) courent sur la rivière et nous font face rendant la remontée encore plus pénible. C'est le moment de tester notre volonté à contrer les flots de la rivière Allier, même si cette toue d'exploration est le contraire d'un fin futreau...
Cote échelle des crues du pont du Veurdre : - 0,34 m rivière à la hausse.
Manu au bâton sur le vieux futreau Hors du Temps
Sous un ciel chargé, avec la montée (attendue) des eaux, les bateaux chavans quittent leur stationnement de l'été et les ombrages des chênes de bordure. C'est un plaisir de les déplacer enfin et de les soustraire à la pluie de feuilles et de glands qui les recouvrent maintenant. Toues, bachots et futreaux retrouvent leur ancrage officiel de la rue de la Chaîne.
Jean-Marc et Dylan (photos Nelly)
Poursuite de l'initiation au bâton ferré pour Abel. Cécile, sur la levée arrière maintient le futreau Bel Orléans en ligne, tandis que Manu surveille au plus près les tout premiers plantés de bâton.
Il n'est pas encore utile de donner une cote du niveau de la rivière, mais elle frémit... Cet après-midi, une visite s'impose aux bateaux car il pleut enfin !
Une fois encore, nous sommes heureux d'accueillir sur le domaine d'Embraud des personnes venues de toutes la France et pour cette matinée Batellerie, de Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis, de l'Isère et de l'Allier.
Cette année, celle de tous les excès, nous avons le regret de ne pouvoir proposer une promenade en rivière comme nous en avons l'habitude par manque d'eau.
Néanmoins nous tentons une "immersion batelière" avec la petite équipe du jour : Jean-Marc, Nelly, Gilles, Dylan et Manu.
photos nelly perret
La veille, nous montons avec peine aux bâtons ferrés le futreau Tresse-Allier vers le bec de Bieudre. Il y passera la nuit et nous permettra d'évoquer par son symbole le riche passé batelier.
L'endroit est toujours aussi beau et sauvage, offrant de belles perspectives de rivière. Mais avec une année de recul, nous déplorons l'envahissement d'une plante étrangère aujourd'hui bien connue sur la Loire et l'Allier, la jussie. Originaire d'Amérique du Sud, elle est au premier abord plutôt jolie, avec une petite fleur d'un jaune d'or, mais elle asphyxie toute la flore endémique. Son expansion est telle, qu'aujourd'hui, à la fin de ce terrible été, la Bieudre, la rivière du bocage, n'a plus la force de rejoindre l'Allier. Le bouchon jussie l'en empêchant ! Du jamais vu...
Le lieu de rendez-vous est maintenant prêt, le chemin inverse est fait par la terre et nous remercions ici Sébastien, à la double-casquette, chavan et depuis peu employé communal, qui a tracé pour cette occasion un magnifique sentier à travers les "verdiaux".
le bec de Bieudre aujourd'hui totalement végétalisé
Au matin du dimanche, au milieu de la cour d'Embraud, les stagiaires sont prêts. Manu les invite à le suivre, son coffre de marinier sur l'épaule en direction de la rivière, via la vigne de Braud, la rue de la Chaîne. Une autre journée ensoleillée s'annonce.
Autour du feu, sont évoqués les célèbres chantiers à bateaux du Veurdre en présence de descendantes de la famille Bélêtre, charpentiers en bateaux réputés, ainsi que l'histoire de cette navigation intérieure. L'occasion de signaler la découverte dernière d'une grande pirogue monoxyle par un des membres de l'Association Allier Sauvage.
Un aller-retour, d'une rive à l'autre au bâton, donne une idée d'un voyage sur cette rivière, Jean-Marc expliquant au groupe la manoeuvre, secondé par Nelly qui explique la problématique de la jussie.
Le retour vers la rue de la Chaîne au pied d'Embraud nous conduit à l'échelle qui elle-même conduit à la planche de la toue le Lion d'Or. Nous invitons le groupe à l'emprunter... Deux personnes n'envisageant absolument pas d'utiliser pareil dispositif auront le privilège d'embarquer par la grève proche et d'ainsi entrer en bateau plus facilement.
Même si la toue est sur ancre, nous invitons à une répartition équilibrée pour percevoir la flottaison de la nacelle. Il est alors évoqué les traces, les marques, les graffitis d'ancres et de bateaux, les objets de ces vies passées sur l'eau, notre recherche des gestes, l'histoire de nos futreaux et de nos voyages et aventures. Avant midi est offert la pompe-aux-grattons Ferrier (la meilleure du monde) et un verre du vin de Riousse. Deux complaintes batelières terminent cette matinée.
Jour de transmission. Manu aujourd'hui dans un statut de grand-père initie pour la première fois son petit-fils Abel, 5 ans, à la tenue du bâton ferré, outil de toutes les manoeuvres en rivière. Belles lumières, eaux douces, trop douces mais aux allures qu'il convient pour cet instant.
Ce jour, le batelier du Ried, Patrick Unterstock et son fidèle ami Pierre Fédy, en provenance d'Alsace, font étape à Embraud avant de rejoindre le grand Festival de Loire d'Orléans. À préciser que ces deux garçons pilotent leur bateau (non motorisé) de façon traditionnelle en maniant comme personne le bâton ferré. Ce sont nos frères de rivière.
Il va falloir apprendre à aimer cette nouvelle rivière, c'est certain. Accepter que les arbres poussent sur jadis les grèves et que peut-être elle ne portera plus bateau. Pour l'instant et pour y croire encore un peu, nous essayons de garder nos vieux bachots en bois à flot... Refixation de cornières sur enchêmes et pose de palâtres.
La grande fête d'été se dessine et c'est toujours l'occasion et la motivation pour de grands rangements, nettoyages et tailles du domaine d'Embraud. Les bateaux vont patienter sous les heures bouillantes de l'été à l'ombre des chênes et l'équipe batelière va se rapprocher d'espaces dominant la rivière d'un peu plus haut et nécessitant un soupçon de sociabilité... Allons-y doucement et commençons par la "cabane de la vigne", territoire intermédiaire entre le haut et la bas du territoire chavan. En son temps, elle fut sur un bateau dont la devise était Le Chemin qui Marche, au bon souvenir de beaucoup. Elle est aujourd'hui le petit lieu d'entrepôt des seaux de goudron, pinceaux, bandes zinguées à palâtres, quincaille diverse, petits outils, cordages, bancs et avirons... Elle demandait tri, rangement et nettoyage. Ce qui est fait !
Alors que les orages courent sur le Bourbonnais les uns derrière les autres, c'est pas le moment que la pompe tombe en panne. Ce soir, sur le Lion d'Or, présence de Stépane (le Sapeur) en soutien mécanique et surtout électrique 😉