28 février 2013 : les archives parlent...

Publié le par L'Equipage des Chavans

 

Maxou Heintzen, dans sa recherche ardente des ménétriers bourbonnais, est parfois amené à faire de magnifiques découvertes en rapport avec l'ancienne batellerie d'Allier. Dernièrement, il "surprend" dans les dossiers correctionnels des Archives Départementales une discussion politique au Veurdre, sur le port.

 

Nous sommes le 1er septembre 1852. Le document évoque la mise à l'eau d'un bateau et nous apporte de précieux renseignements, on s'y croirait presque : 

   

[BASSOT] Antoine, âgé de 42 ans [...] bois et cloutier demeurant [...] du Veurdre.

Lequel nous a dit et déclaré que le jour d’hier, heure de deux après-midi, sur son chantier, après avoir mis un bateau à la rivière avec l’aide de 12 à 15 personnes, il s’est fait sur les lieux, ainsi que cela se pratique usuellement, une espèce de repas, pendant lequel l’un des assistants, nommé AUBERT Pierre, dit Élie, âgé de 5… ans, ouvrier charpentier en bateau, demeurant également au Veurdre, travaillant pour le compte du plaignant, a amené la discussion sur la République, disant avec BASSOT Jacques, frère dudit plaignant, que si le peuple se fut bien montré & soutenu partout, elle existerait encore telle qu’elle avait été dans les premiers moments, ajoutant divers propos rétrospectifs en faveur de cette République.

D’après ce qui nous a été rapporté par divers témoins de la scène, il paraîtrait qu’au début, ces propos étaient tenus plutôt en matière de passe-temps que sérieusement et sans paraître exprimer des regrets et nourrir des espérances.

Le sieur BASSOT Antoine a cru devoir combattre les paroles qu’il entendait & plaisanter ses adversaires en disant que si les socialistes eussent triomphé, lui AUBERT, ainsi que d’autres, fussent sans doute parvenus à de hauts emplois, ajoutant, pour réfutation de ce qui était dit, que si les travaux & le commerce avaient été arrêtés & n’avaient point encore repris leur plein essor, la faute ne devait en être attribuée qu’aux républicains proprement dits.

La conversation a fini par devenir plus sérieuse & par s’échauffer. Alors AUBERT a tiré une pièce de cinq francs qu’il a jetée sur les planches tenant lieu de table, et a porté le défi à BASSOT de la couvrir, ajoutant qu’ilpariait qu’avant quinze à dix-huit mois le cri de : Vive la République ! serait repris & permis. Ce dernier a accepté le pari en couvrant la pièce de cinq francs d’AUBERT par une autre. Celui-ci a retiré la sienne tout en maintenant son assertion, toujours combattue par le plaignant. C’est alors qu’AUBERT a commencé à restreindre le délai de 15 à 18 mois, à douze seulement, & descendant encore il a fini par le limiterà deux seulement, ajoutant qu’à ce dernier terme le prince président ne serait plus.

Ces paroles qui sans nul doute étaient plus inconsidérées que sérieuses ont indigné néanmoins le sieur BASSOT qui a répliqué en lançant ces mots à AUBERT : "Si toi & d’autres, lors des événements de décembre n’avez pas été placés à la Mal Coiffée, c’est que vous avez été ménagés, car vous le méritiez bien". [(dans la marge) Ces paroles ont été proférées par BASSOT dès l’abord, à ce qu’il paraît, et c’est après avoir été répétées plusieurs fois que AUBERT a fini par s’emporter un peu excité par le vin.] à cette vive & directe apostrophe, AUBERT quitté sa place pour aller empoigner BASSOT, mais les témoins de la scène, dont plusieurs vont être désignés ci-après, se sont empressés de lui faire lâcher prise. C’est en lui faisant quitter BASSOT que la blouse de l’agresseur fut déchirée, et dès qu’ils’en fut aperçu & ayant reconnu que celle de son adversaire était intacte, il retourna le saisir de nouveau & fit plusieurs déchirures à ses vêtements, sans excepter la chemise. Il paraîtrait même que les attaques, par voies de fait, ont eu lieu jusqu’à trois fois, de la part de l’inculpé.

[...] D’autres propos & même des menaces ont eu lieu [...] plaignant en réglant et soldant son ouvrier, & dès lors [...] nous avons interrogés sur la véracité des faits qui précèdent [...] avons donné lecture, laquelle ils ont reconnu exacte quoique [...] dans le récit de ce qui s’est dit.

Les témoins sont : 1° BERGER Jacques, âgé de 55 ans, charpentier en bateau, 2°) BERGER Jean, son fils, âgé de 18 ans, idem, 3°) ROBLIN Claude, âgé de 67 ans, marinier, 4°) BEAULIEU Maurice, âgé de 66 ans, idem, 5°) BEAULIEU Maurice fils, âgé de 21 ans, idem, 6°) GONDOUX Claude, âgé de 50 ans, commissionnaire, tous du Veurdre, 7°) GRAILLET Nicolas, âgé de 39 ans, marinier demeurant à Moulins.

Desquels faits et paroles le sieur BASSOT Antoine a cru devoir na[...] faire la présente déclaration contre le dit AUBERT Pierre, dit Élie, pour le[...] vindicte publique & comme partie civile.

Requérant qu’il y soit donné telles suites que de droit, conformément à la loi, se réservant de prendre contre l’inculpé, devant tout tribunal compétent telles conclusions qu’il avisera, à l’effet de quoi il requiert en outre que la présente déclaration soit immédiatement envoyée par nous à Monsieur le Procureur de la République à Moulins.

Lecture faite de ce que dessus, au sieur BASSOT Antoine, en présence des témoins susnommés, il a affirmé la vérité de sa déclaration, y a persisté, & a requis acte que nous lui avons donné, & a signé avec nous, les jours, mois & an que d’autre part.

 

        BASSOT aîné                         Le mairie du Veurdre CARBILLET VALORY

 

              

                                  A.D. Allier, 3U Moulins 934, dossiers correctionnels, 1852. 

 

 

 

 

 

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